VLF4IONS : la surveillance de l’ionosphère en VLF

Éruption solaire du 10 Mai 2024. (@SDO/AIA, https://sdo.gsfc.nasa.gov/data/)

C. Briand & P. Teysseyre, Observatoire de Paris

Introduction

L’état de l’ionosphère terrestre est contrôlé par le Soleil. Cette couche atmosphérique présente la particularité d’avoir un accroissement important des particules ionisées, une caractéristique qui lui confère des propriétés singulières pour la propagation des ondes électromagnétiques. En cas d’éruptions solaires (flare pour reprendre la terminologie anglaise), le rayonnement X augmente jusqu’à 100 à 1000 fois en quelques minutes. Ce rayonnement solaire met huit minutes à atteindre la Terre et induit une augmentation de l’ionisation des couches les plus basses de l’atmosphère (à partir de 60km voire moins). La couche-D, située entre 60 et 80km d’altitude, est responsable d’une grande partie de l’absorption des ondes dans le domaine HF (3-30MHz). Or, ces fréquences sont régulièrement utilisées pour des usages civils ou militaires. Comprendre les mécanismes de forçage et de remise à l’équilibre de cette couche sur différentes échelles de temps (de la seconde à l’année), fournir des alertes temps-réel de l’occurrence d’une éruption solaire, estimer son impact en termes d’absorption HF, modéliser précisément les perturbations électroniques lors d’un forçage solaire sont les questions fondatrices du projet ‘VLF For Ionosphérique Studies (VLF4IONS).


En rouge, la zone affectée par une absorption HF d’au moins 1dB jusqu’à 35MHz (Modélisation D-RAP, https://www.swpc.noaa.gov/products/d-region-absorption-predictions-d-rap)

Ondes VLF au service de la surveillance de l’ionosphère

La couche -D qui est le sujet de cette étude est située entre 60 et 80km d’altitude : elle est donc à la fois trop haute pour les ballons-sondes, trop basse pour les satellites, et pas assez ionisée pour les radars. La technique la plus utilisée pour assurer une surveillance continue est d’écouter des émetteurs VLF (3-30kHz) situés sur Terre pour des usages civils ou militaires. Ces ondes se déplacent dans le guide d’onde formé par la Terre et la couche-D. Tout changement des propriétés électriques de ce guide d’onde modifie le signal reçu. La modélisation de la propagation de l’onde permet ainsi de remonter à la modification de la densité électronique de la couche-D et donc de déduire l’absorption HF.

Vers un réseau de récepteur dans la zone tropicale

L’alternance des jours et des nuits empêchent de mesurer l’impact de tous les évènements solaires. Il est donc nécessaire de répartir des récepteurs sur tout le globe pour couvrir tous les fuseaux horaires. La zone tropicale est intéressante car il y a peu de variation de la durée du jour au cours de l’année (contrairement aux zones de plus hautes latitudes qui peuvent être dans la nuit pendant plusieurs semaines). La seconde raison pour choisir ces territoires c’est de permettre une surveillance au-dessus des océans. Enfin la troisième raison est de permettre des mesures pour un autre type de forçage via les zones orageuses (sprites, elves, terrestrial gamma-ray flash : TGF).

L’instrument déployé s’appelle AWESOME. Il a été mis au point par le Georgia Institute of Technology (Atlanta, USA ; https://lf.gatech.edu/). Il s’agit d’une antenne qui mesure la composante magnétique des ondes VLF. L’amplitude et la phase de plusieurs transmetteurs (i.e. fréquence) sont mesurées simultanément, dans deux directions perpendiculaires (généralement NS et EW magnétiques). En plus de ces données dites « Narrowband », des mesures de formes d’onde sont aussi réalisées (champ magnétique en fonction du temps sur toutes les fréquences) à un taux de 100 kHz.

En juin 2024, AWESOME a été installé au Maïdo, première pierre du réseau tropical. Les mesures continues sont analysées automatiquement sur place et renvoyées à l’Observatoire de Paris pour une analyse plus fine.

Image des deux boucles magnétiques de AWESOME sur le côté ouest de l’Observatoire de Physique de l’Atmosphère de La Réunion (OPAR) sur le site du Maïdo de l’OSU-Réunion.
Spectrogramme de contrôle de la composante NS (en haut) et EW (en bas). Malgré un bruit assez élevé, les émissions provenant d’Inde (VTX à 18.2kHz) et d’Australie (NWC à 19.8kHz) sont clairement visibles. On suit également des émetteurs de France, de Turquie, d’Italie, et d’Hawaii.

En jaune, le chemin suivi par les ondes VLF depuis l’Inde et l’Australie vers La Réunion. Malgré plus de 5000km de distance, les ondes sont parfaitement détectées par l’instrument

Remerciements

Merci à

  1. Toute l’équipe sur le site du Maïdo qui a permis l’installation sur place : Yann Hello, Guillaume Payen, François Rigaud, Laurent Villegier, Soilihi Oumouri (et tous ceux que je n’ai pas rencontré mais qui ont agi dans l’ombre)
  2. L’équipe du LESIA à l’Observatoire de Paris lors de la phase de préparation : Pierre-Luc Astier, Anne Bui, et bien sur Claude Collin qui a aussi participé à la mise en place sur site.

Merci aussi au Directeur de l’OSU-Réunion et aux responsables scientifique et technique de l’OPAR, pour avoir autorisé cette installation !

Enfin, merci aussi à Emeric Le Floch pour les discussions autour de l’aspect pédagogique du projet pendant les mois qui ont précédés l’installation : on se reverra pour finaliser le programme !

Le 28 mai 2024 : installation du mât par l’équipe de choc constituée par Claude Collin (à gauche) et François Rigaud (du Laboratoire de l’Atmosphère et des Cyclones à droite)
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